Entretien numéro 21

Pourquoi Les entretiens imaginaires?

Une évolution historique nécessaire ou contingente?

Philippe : Louis, lors de notre dernier entretien, nous avons examiné un certain nombre d’objections qui peuvent être opposées à votre conception de l’histoire de l’humanité comme succession de quatre types de société, ou ordres humains, qui ont débouché sur la modernité. Vous avez répondu aux possibles reproches d’occidentalocentrisme, cette propension à considérer le mouvement de l’histoire à travers le prisme plus ou moins exclusif de la trajectoire occidentale. Il demeure toutefois que votre cadre conceptuel semble renouer avec une vision évolutionniste. Que répliquez-vous à cette objection?

Louis : Il est vrai que la notion d’évolution des sociétés est souvent perçue aujourd’hui comme désuète, arbitraire et inexacte. Elle serait simplement l’expression d’une prétention à juger les époques antérieures, ou les sociétés autres, inférieures aux nôtres. On rencontre effectivement ce travers dans toutes les traditions culturelles, qui ont tendance à retracer une histoire du monde en reliant les événements qui ont été pour elles les plus importants. Certains chercheurs en déduisent que la notion d’évolution est difficilement utilisable, sinon inutilisable, en sciences sociales. Et pourtant, quand on regarde le passé de l’humanité dans son ensemble, on constate un processus d’évolution évident dans les façons de faire société, un processus dont on peut comprendre l’orientation et les raisons. Bien sûr, comme je l’ai souvent souligné, on ne saurait interpréter cette évolution comme étant porteuse d’un progrès absolu, non plus que s’achevant avec la modernité.  

: Vous n’êtes tout de même pas le seul auteur contemporain à défendre l’idée d’un développement historique qui s’est fait dans une direction déterminée. 

: Non, bien sûr. Toutefois, ma conception demeure relativement singulière. Il y a bien sûr la périodisation que je retiens qui ne fait pas l’unanimité, comme nous l’avons vu lors de notre dernier entretien. Mais il y a plus. La plupart des auteurs qui admettent l’idée d’une évolution ou d’un développement historique orienté que l’on peut déceler rétrospectivement insistent sur la contingence de l’histoire. Non pas qu’à leurs yeux les choses se seraient faites n’importe comment et qu’elles auraient été sans raisons, mais bien qu’elles n’auraient été en aucune façon nécessaires, et que, par conséquent, elles auraient pu être tout autres. Ils reconnaissent bien sûr que les événements sont causés et dépendent de tout ce qui s’est produit auparavant, mais ils affirment l’absence de nécessité. À leur encontre, je ne crois pas que le processus d’évolution historique soit entièrement contingent. Je ne suppose évidemment pas que la succession des moments de l’histoire soit l’actualisation d’un plan unique et orienté. Mais je considère qu’une forme de déterminisme partiel intervient dans le processus évolutif des sociétés.

: Un déterminisme partiel! Expliquez-moi. 

: Les faits et les événements concrets résultent de la rencontre accidentelle d’une infinité de décisions, d’actions, d’interactions et de coïncidences. Ils sont toujours contingents et relativement imprévisibles. En revanche, la succession des types de société me semble s’inscrire dans un ordre évolutif partiellement déterminé. La diversité des types de société est bien sûr limitée par les virtualités contenues dans la nature humaine. Or, ces virtualités s’actualisent ou non selon les conditions matérielles et sociales existantes. Nous pouvons en déduire que la succession des types de société est liée à l’évolution de ces conditions matérielles et sociales. Elle m’apparaît plus précisément comme le résultat de tendances qui découlent de cette évolution. 

: Je ne suis pas sûr de bien comprendre cette explication, qui me paraît difficile, si ce n’est obscure. Premièrement, qu’entendez-vous par virtualités de la nature humaine?

: Tous les humains ont en commun une même nature spécifique. C’est par nature que tous les membres de l’espèce humaine, sauf accident, se servent de leurs mains, marchent sur leurs jambes, s’expriment par la parole, éprouvent des besoins fondamentaux semblables, sont pourvus des mêmes organes sensoriels et font certaines mimiques déterminées, telles celles du rire ou de l’expression de la peur. Tous les humains partagent aussi une même condition: tous se situent dans un temps dont ils ont conscience et qui leur permet de se projeter dans l’avenir; tous sont capables de faire, d’agir, de connaître; tous sont ouverts au sens de la distinction entre le vrai et le faux, le réel et l’imaginaire, un bien et un mal, un pouvoir légitime et un pouvoir illégitime; tous sont ouverts à la question du sens de la vie et de la mort. Pourtant, n’étant pas guidés comme les animaux par un code instinctuel inscrit dans leur génome, les humains peuvent avoir des comportements fort différents. Leurs idées, leurs représentations, leurs valeurs, les structures de leur personnalité et leurs institutions diffèrent. Et ce sont les sociétés qui forment à leur façon les individus qui les constituent. Les manières humaines de voir, de penser, d’agir, de sentir, de transiger ne sont jamais naturelles, mais toujours imprégnées d’une culture. En ce sens, la nature humaine est donc virtuelle et ses actualisations culturelles. 

: Je conçois aisément l’influence que chaque culture peut avoir sur l’actualisation des virtualités contenues dans la nature humaine. Mais qu’en est-il des ordres humains que vous distinguez?

: Les ordres humains se situent à un autre niveau d’analyse. Car la nature des cultures et des civilisations est largement influencée par les conditions matérielles et sociales au sein desquelles elles se développent. Ce sont ces conditions qui rendent possible ou non une actualisation éventuelle des virtualités humaines. Les quatre ordres humains que je distingue correspondent aux différents ensembles de conditions que l’humanité a connus jusqu’à ce jour. De nature transculturelle, les ordres humains constituent en quelque sorte la matrice ou le noyau des différents types de société qui présentent chacun des caractéristiques similaires aux plans économique, socio-politique et idéologique. La succession des ordres humains apparaît donc comme le résultat de tendances qui découlent de l’évolution des conditions matérielles et sociales dans lesquelles se retrouvent les sociétés. Il en a été ainsi du processus néolithique : à partir du moment où certaines régions leur en ont offert la possibilité, la majorité des populations de chasseurs-cueilleurs se sont sédentarisées et ont développé des pratiques de conservation puis de domestication qui ont permis une accumulation de richesses qui a transformé les systèmes sociaux et symboliques. Il en a été de même lors de la révolution urbaine alors que les avancées accomplies au Néolithique couplées aux conditions offertes par les vallées alluviales ont favorisé le processus d’urbanisation et d’unification politique qui a rendu possible la fondation de royaumes et d’empires et suscité des développements techniques, économiques, intellectuels et religieux majeurs.

: Ces transitions entre les différents ordres humains manifestent donc selon vous l’action d’une certaine forme de nécessité. 

: Effectivement, on imagine mal que le processus néolithique et la révolution urbaine aient été le fruit d’une pure contingence. Si l’évolution de l’humanité se rejouait à partir des mêmes conditions initiales (virtualités humaines, développements humains successifs et conditions environnementales), il semble bien que la succession des ordres humains serait la même. Cela apparaît assez évident pour ce qui est des trois premiers ordres humains, le Néolithique et la révolution urbaine étant advenus dans plusieurs zones originaires et de façon indépendante, avant de se diffuser vers d’autres régions. Il est difficile de percevoir de façon aussi limpide le jeu d’une tendance évolutive pour le passage de l’ordre prémoderne à l’ordre moderne. 

: Pourquoi cela?

: D’une part, la modernité n’a émergé qu’en un seul endroit, en Europe occidentale, avant de rayonner. À l’évidence, en raison de la mondialisation amorcée au début de l’ère commune dans le monde afro-eurasien et accélérée à partir des grandes découvertes, la modernité n’aurait pu émerger dans une autre région indépendamment de l’influence européenne à partir du moment où l’Europe avait commencé à s’inscrire dans le nouvel ordre. D’autre part, et en raison de cette origine unique, les facteurs susceptibles d’être identifiés comme ayant favorisé l’émergence de la modernité sont étroitement liés à la trajectoire historique européenne. 

: Reconnaître l’importance des tendances, n’est-ce pas réduire les humains à des figurants incapables d’accéder à une quelconque maîtrise de leur destinée? 

: Non, car les tendances ne s’imposent pas de façon nécessaire, mais interviennent comme des conditions de possibilité. Elles supposent les choix qui expliquent qu’il y ait pour chaque ordre humain une pluralité de réalisations ainsi que des communautés humaines qui, préférant poursuivre leur mode de vie, ont refusé de s’y inscrire. Et sous la modernité, ces choix peuvent bien sûr être davantage questionnés et acquérir ainsi une plus grande réflexivité. 

: Enfin, à votre avis, la succession des quatre ordres humains que vous dégagés représente-t-elle un progrès?

: Aujourd’hui, l’idée de progrès fait le plus souvent l’objet d’un rejet global. Personnellement, je crois pourtant qu’il peut être utile d’en faire une utilisation critique. Tout en reconnaissant l’égale dignité des cultures et des civilisations, on ne peut en effet gommer leurs différences quant aux possibilités de réalisation qu’elles offrent aux individus. Par ailleurs, le progrès ne peut pas être pris absolument, et les critères pour l’apprécier varient selon les domaines. En matière de connaissance, le progrès se mesure sur la vérité, sur la capacité croissante à mieux formuler les questions et à leur trouver des réponses plus satisfaisantes. À cet égard, l’avancement des sciences est incontestable. Dans le domaine de la production de biens et de services, le progrès est apprécié par rapport à l’utilité, à l’efficacité, à l’adéquation, à l’agrément. Le cours des choses est ici plus ambivalent, l’accroissement du pouvoir faire et de la prospérité se doublant d’une détérioration de l’environnement. Dans d’autres domaines, les critères applicables sont plus incertains, et les appréciations plus subjectives. Ainsi du domaine de l’art, où certaines disciplines ont pu atteindre des sommets extraordinaires dans des contextes appartenant à des périodes différentes. Ainsi aussi des pratiques sociales, que l’on ne peut dissocier des valeurs qu’elles cherchent à incarner. En ce qui me concerne, le projet d’autonomie ainsi que l’aspiration à la liberté individuelle et à l’égalité qui fondent la dynamique de la modernité me semblent constituer une avancée majeure pour l’humanité. 

Entretien numéro 20

Pourquoi Les entretiens imaginaires?

Une conception occidentalocentrée?

Philippe : Louis, nos dernières conversations portant sur l’inscription des sociétés subsahariennes dans la modernité m’ont fait éprouver de nouveau un malaise plus ou moins diffus que j’ai ressenti à quelques reprises au cours de nos entretiens. L’analyse que vous faites de la modernité et de ses contradictions m’apparaît relativement nuancée. Mais le cadre plus général de l’histoire que vous proposez, cette succession de quatre ordres humains qui déboucherait sur la modernité, me questionne. Ce cadre ne constitue-t-il pas simplement un nouveau grand récit perpétuant le mythe de la supériorité des sociétés occidentales? Votre approche ne vous amène-t-elle pas à mésestimer la valeur des autres cultures et civilisations? La perspective évolutionniste que vous établissez ne vous entraîne-t-elle pas à méconnaître les qualités des différents types de société qui ont précédé la modernité? Je me sens incapable de trancher ces questions, mais je vous avoue qu’elles m’embêtent. 

Louis : Je comprends votre malaise. Les objections que vos questions soulèvent pourraient sans doute être avancées par bien des personnes. Pour tenter de les réfuter, je vais d’abord retracer succinctement le cheminement intellectuel qui m’a conduit à la conception que j’ai adoptée. Car le cadre interprétatif d’ensemble que j’ai élaboré est le fruit d’un questionnement que je poursuis depuis nombre d’années. Comment expliquer les différences de trajectoire historique des diverses sociétés? Déjà, à la fin des années 1960, alors que j’étais engagé dans un organisme de soutien au développement international, ce questionnement s’est imposé à moi. Plus tard, il a été aiguisé par quelque 30 années d’interventions de formation et de consultation auprès d’équipes de fonctionnaires responsables des réformes administratives dans de nombreux pays en développement, notamment en Afrique subsaharienne.

: Quelles sont les explications qui ont retenu votre attention?

: Un examen des apports de différents auteurs m’a successivement confronté à trois conceptions opposées quant au développement des sociétés. Dominant dans les milieux de la coopération au développement, la première façon de voir proposait une vision linéaire du développement en grandes étapes depuis la société traditionnelle jusqu’à la société moderne. Accompli en tout premier lieu par l’Occident, le progrès vers la modernité serait inéluctable. S’il pouvait être freiné par certains manques ou des résistances, il était également susceptible d’être favorisé. D’où les orientations de l’aide au développement qui se sont déployées à partir des années 1950 : on soutient la croissance par l’apport de ressources financières et technologiques; on parraine la mise en place de nouvelles institutions politiques et administratives; on appuie l’émergence et la consolidation d’une société civile vivante. Cette conception modernisatrice a été remise en cause à partir des années 1970 par les théories de la dépendance. Ces théories s’attachaient aux conditions historiques de la domination de l’Occident sur le Tiers-Monde, et expliquaient par cette domination l’« avance » des uns et le « retard » des autres. Les théories de la dépendance ont été elles-mêmes rapidement contestées en raison de leur tendance à transformer les périphéries en victimes passives du système capitaliste mondial. Si la stagnation, voire le recul, de certains pays sous-développés ne saurait être analysée en termes de dysfonctionnements passagers, elle ne peut non plus être simplement expliquée par des pratiques inéquitables et spoliatrices. La montée des dragons asiatiques puis celle des pays émergents ont finalement discrédité en bonne partie les théories de la dépendance.

: Et qu’en est-il de la troisième conception?

: Rejetant les approches développementaliste et de la dépendance, cette troisième conception a émergé dans les années 1980. Prenant en compte les processus qui s’inscrivent dans la longue durée et l’influence des facteurs culturels, elle permet de dépasser l’approche purement instrumentale de la modernisation qui sélectionne des aspects institutionnels ou techniques. Elle s’appuie sur un ensemble de travaux de sociologie historique qui ont réexaminé les conditions de production de la modernité occidentale et, pour certains, procédé à des comparaisons avec les trajectoires historiques suivies par d’autres sociétés ou d’autres cultures. 

: À vous entendre, il semble que cette troisième conception vous a davantage influencé.

: Oui, elle m’est apparue féconde. Toutefois, elle tend parfois à confondre modernité et Occident, modernisation et occidentalisation. À force d’explorer le parcours occidental dans sa spécificité, bon nombre d’auteurs en viennent à faire de la modernité un fait culturel ou, plus précisément, civilisationnel, ce qui bien sûr limiterait sinon empêcherait toute appropriation par les sociétés non occidentales. Tout mon effort va consister à tenter de repenser la modernité dans deux directions : celle de son invention par l’Occident qui permet d’en respecter l’identité, la profondeur, l’unité et la cohérence, et celle de sa diffusion et de son transfert lorsqu’elle est reconstruite et réinventée ailleurs. Mais pour que cette distinction tienne, il me fallait rompre avec l’idée d’une modernité qui serait un type spécifique de civilisation qui, depuis l’Europe, se serait propagé dans le monde entier sous des aspects économiques, politiques et idéologiques. Qu’en était-il alors de la modernité? Comment définir son identité sociohistorique et cerner ses particularités?

: De quelle manière avez-vous procédé pour y arriver?

: J’ai adopté une approche comparative, une méthode qui est à la recherche en sciences sociales ce qu’est l’expérimentation à la recherche en sciences de la nature. Je me suis attaché à établir des points de comparaison en traçant le portrait des types de société qui ont précédé la modernité. Ce faisant, j’étais conscient que je rejetais le relativisme politiquement correct qui prédomine trop souvent dans les sciences sociales, et aux yeux duquel il n’y a que des différences incomparables entre les sociétés, les cultures et les civilisations. En même temps, je souhaitais éviter de verser dans l’occidentalocentrisme, cette propension à considérer le mouvement de l’histoire à travers le prisme plus ou moins exclusif de la trajectoire occidentale. J’avais cependant la chance de bénéficier des multiples connaissances développées au cours des dernières décennies en histoire globale, grâce à la conjugaison des avancées accomplies en archéologie, en anthropologie, en sociologie, en géographie et en économie. De même que nous possédons aujourd’hui une vue d’ensemble assez juste de la formation et de l’évolution du cosmos et de la vie, nous disposons d’un bon aperçu de l’apparition de l’espèce humaine et du parcours qu’elle a suivi jusqu’ici.

: Vous ne pouviez tout de même pas vous arrêter à toutes les singularités de ce parcours. Comment en êtes-vous arrivé à distinguer des périodes historiques caractéristiques? 

: La question de la périodisation constituait en effet l’un des enjeux majeurs de mon étude. Que peut-il en être d’une périodisation qui vise l’histoire universelle dans une perspective multidimensionnelle et cherche à différencier les types de société qui se sont succédé jusqu’ici? Tous les auteurs s’étant intéressé à l’histoire universelle conviennent de distinguer les sociétés primitives des sociétés néolithiques. Toutefois, certains amalgament ces dernières avec les sociétés prémodernes. Pourtant, au cours des quatrième, troisième et deuxième millénaires avant notre ère, c’est bien un nouveau type de société qui émerge avec la révolution urbaine qui s’effectue en Mésopotamie, en Égypte, en Chine et en Inde. Fondé sur l’utilisation de nouvelles techniques (métallurgie du bronze et du fer, roue, charrue, harnachement des bœufs, irrigation à grande échelle, construction en dur, bateau à voile), la division croissante du travail, l’organisation d’un État et l’invention de l’écriture, un processus d’urbanisation et d’unification politique va conduire à l’affirmation de puissants royaumes et empires. Il est par ailleurs d’autres auteurs qui refusent de voir dans la modernité une configuration originale. 

: Comment fondent-ils ce point de vue?

: Selon eux, la modernité est le terme d’un processus continu qui s’est déroulé sur plusieurs millénaires. C’est le résultat d’une avancée par bonds irréguliers auxquels ont pris part les sociétés du continent eurasien qui ont connu la révolution urbaine. Ces auteurs ont sans doute raison de rompre avec les prétentions ethnocentriques occidentales et les fausses oppositions entre l’Orient et l’Occident. Ils contestent à juste titre l’idée d’une prééminence séculaire de l’Europe. Car il est vrai que l’Europe a souffert d’un retard considérable par rapport aux autres grandes sociétés eurasiatiques pendant le millénaire qui a suivi l’Antiquité, un retard qu’elle n’a comblé que très graduellement à partir de la Renaissance. Mais les auteurs en question insistent tellement sur les similitudes et les legs entre les sociétés qui ont connu la révolution urbaine qu’ils en viennent à tout niveler et à escamoter les spécificités de la modernité. Ma position, à l’effet que l’on doit distinguer quatre ordres humains, m’est apparue théoriquement beaucoup mieux fondée. Elle permet de reconnaître non seulement les différences capitales que présentent les sociétés modernes en comparaison des sociétés prémodernes, mais également celles qui distinguent les sociétés prémodernes des sociétés néolithiques. Comme je l’ai expliqué dans un entretien antérieur, seule cette dernière distinction rend possible la compréhension des défis particuliers que rencontrent, entre autres, les sociétés actuelles de l’Afrique subsaharienne face à la modernité. Enfin, je reconnais évidemment que chaque type de société englobe une multiplicité de cultures et de civilisations qui recèle une diversité et une richesse exceptionnelles. 

: Il demeure toutefois que votre cadre conceptuel semble renouer avec une vision évolutionniste. Cette objection pourra faire l’objet de notre prochain entretien.